L'histoire commence un soir de décembre 1988, place de la Victoire, à Pointe-à-Pitre. 19h05, l'heure de l'apéro pour certains, de la prière pour d'autres... Chaleur vespérale étouffante, taux d'humidité proche des 80%, parturition en cours. Derrière le masque, l'œil expert de la sage-femme étudie l'entrée de ma future ex-tanière. Sortie glissante, inondation de lumière, celle du scialytique, pas d'anges ailés mais des adultes soulagés. Deux bras et autant de jambes, signe particulier néant, j'ai écrit ma première histoire.
Classes élémentaires turbulentes, découverte de la discipline et de la ponctualité au travers de punitions scolaires. La durée de vie de l'incendie palmaire consécutif à un coup de règle pratiqué par la maîtresse est estimée à plus d'une minute. Constat cuisant au propre comme au figuré, tel le train la sonnerie post-récréation ne passe qu'une fois.
Mue gênante, pilosité précoce, acné démissionnaire, aussi à l'aise sur une planche de surf qu'un manchot au jeu de Paume, je me tourne vers le judo, l'équitation et le basket. Sur l'étagère, RL Stine côtoie Jack London et Maryse Condé, l'écriture est un passe-temps sporadique dont le but n'est pas encore défini. Première rédaction lue à voix haute en classe de 6e, dès l'incipit le silence s'installe, j'ai dompté mon auditoire et glané les frissons dont je ne me lasse plus depuis. L'œil qui pétille, la professeure me rétribue d'une injonction à lui en écrire le double sous sept jours. Sentence particulière dont je suis l'unique victime. Les derniers mots du condamné seront : "merci infiniment."
Sainte-Anne, Orléans puis Rouyn-Noranda au Québec. Trois lieux d'études et de vie, trois points sur la carte qui ont été le théâtre de rencontres des plus enrichissantes avant d'atteindre la capitale. À Paris, le Cours Florent accueille ma fougue et ma plume avec bienveillance. Une pointe de lyrisme, une once de nicotine et quelques baquets houblonnés sont le quotidien des néophytes désireux de voir un jour leur nom épinglé à la jaquette du dernier film à succès. Ma première pièce de théâtre s'écrit plus vite qu'elle ne se joue mais qu'importe, ces tribulations m'ont permis de cerner mes envies et déjà la trame d'un roman m'apparait distinctement...
Abreuvé d'art dramatique et nourri de lectures éclectiques, je quitte les planches pour me plonger dans la rédaction de ce premier roman. Ce sera finalement une série et elle s'appellera : Bluemoon Town. Sous l'œil d'éminents auteurs qui garnissent ma bibliothèque, je m'attèle à la tâche et, grâce à mes murs peu épais, je profite de la vie de famille de mes voisins. Les longues soirées passées à écrire m'ont permis de dresser leur arbre généalogique, de différencier le bruit d'une ponceuse excentrique de sa cousine à bande et d'apprécier la musique orientale à toute heure. Le premier tome de Bluemoon Town "Le Deal" sort en 2022. J'ai le virus, pas d'antidote mais la certitude qu'il ne s'éclipsera pas tant que j'aurai des émotions à procurer et qu'il y aura des lecteurs pour y goûter.